Quand les moutons sont dans la bergerie, Que le sommeil aux humains est si doux ; Je pleure, hélas ! les chagrins de ma vie, Et près de moi dort mon bon vieux époux. James m'aimait ; pour prix de sa constance, II eut mon cœur : mais James n'avait rien ; II s'embarqua dans la seule espérance À tant d'amour de joindre un peu de bien. Après un an notre vache est volée, Le bras cassé, mon père rentre un jour, Ma mère était malade et désolée, Et Robin Gray vint me faire la cour. Le pain manquait dans ma pauvre retraite, Robin nourrit mes parents malheureux : La larme à l'œil, il me disait : Jeannette, Épouse-moi, du moins pour l'amour d'eux. Je disais non, pour James le respire. Mais son vaisseau sur mer vint à périr, Et j'ai vécu. Je vis encor pour dire : « Malheur à moi de n'avoir pu mourir ! » Mon père alors parla de mariage ; Sans en parler, ma mère l'ordonna: Mon pauvre cœur était mort du naufrage ; Ma main restait, mon père la donna. Un mois après devant ma porte assise, Je revois James et je crus m'abuser. « C'est moi, dit-il, pourquoi tant de surprise ? Mon tendre amour, je reviens t'épouser. » Ah ! Que de pleurs ensemble nous versâmes ! Un seul baiser suivi d'un long soupir Fut notre adieu ; tous deux nous répétâmes : Malheur à moi de n'avoir pu mourir. Je ne vis plus... j'écarte de mon âme Le souvenir d'un amant si chéri : Je veux tâcher d'être une bonne femme ; Le vieux Robin est un si bon mari !